Côté rééducation, l'hôpital des Armées à Brest est vraiment top! Le rythme est soutenu, très soutenu même. 5 à 7 heures de kiné par jour. En fait, ils te laissent partir quand ils voient que tu es trop crevé pour faire un seul exercice de plus.
Au bout de quinze jours à ce rythme, en piscine et sur des appareils de torture variés, ils m'ont confisqué mes béquilles, et j'ai réappris à me servir de ma jambe gauche. Résultat, je marche désormais avec une canne, très lentement, et en boîtant plus ou moins fortement en fonction de la douleur et de la fatigue.
Côté douleur, maintenant que les fractures sont toutes consolidées, ce sont les nerfs qui ont pris le relais. Les douleurs, d'une intensité comparable à un hémataume qui court du genou aux orteils, et sur lequel quelqu'un s'amuse à planter des aiguilles brulantes... Je vous laisse imaginer le plaisir...

On a fait un état des lieux des muscles et des nerfs de ma jambe, avec un électromyogramme... Franchement, je ne souhaite à personne d'avoir à passer un jour ce type d'examen. Les mesures sur les nerfs sont encore supportables, avec le courant produit par des électrodes posées sur la peau (encore qu'au bout d'un moment, ça fait un mal de chien quand même), mais les mesures prises dans les muscles sont proprement atroces. Ils vous plantent une aiguille dans le muscles, dans laquelle se trouve un micro. Et ensuite, ils vous demandent de contracter le muscle en question, avec l'aiguille plantée dedans. Le bruit recueilli est analysé par l'ordinateur. Et parfois (souvent en fait), ils sont obligés de déplacer l'aiguille dans le muscle pour avoir un résultat plus fin.
Bref, au final mes nerfs sont effectivement un peu endommagés, mais leur potentiel est intact. Pour les médecins, les douleurs viennent donc d'une neuropathie, mais pas d'une dégradation des liaisons nerveuses. Je souffre en fait d'hyperesthésies sur la face avant de la jambe et du pied, et d'une hypoesthésie de la face arrière... Je me suis brûlé le pied au second degré avec ma cigarette juste au-dessus du talon, et je n'ai rien senti, alors qu'une simple brise effleurant ma jambe me fait un mal de chien. Pas évident à gérer tous les jours.
Tout ce qu'on peut faire pour gérer ces douleurs, qui sont permanentes, même au repos, et augmentées par la station assise prolongée (à partir de 30/45 minutes je suis obligé de me lever ou d'aller allonger ma jambe). Alors je vais rester sous antalgiques et neuroleptiques, en attendant que les nerfs se remettent d'eux-mêmes, ou que les médecins trouvent une solution.
J'ai aussi passé une batterie d'examens dans le cadre d'une étude sur les manifestations physiologiques du stress post-traumatique, pour voir comment mon organisme régule les taux de cortisol et autres adrénalines... J'aurai les résultats de mes dosages dans quelques semaines pour les transmettre à mes toubibs et voir si on peut y remédier.
Côté moral, c'est un peu plus compliqué. Les médecins m'ont annoncé que la médecine du travail ne me laissera pas reprendre mon activité professionnelle, qui implique des déplacements ponctuels sur des salons nautiques en France et à l'étranger. Selon eux, je ne pourrai pas faire autrement que de me contenter d'un poste 100% sédentaire. Dans le milieu du nautisme, il n'y a pas beaucoup de postes de ce type malheureusement... Je vais donc devoir changer d'orientation professionnelle, demander un reclassement ou une formation qui soit prise en charge par l'assurance du conducteur de la voiture.
Mais ce n'est pas évident de faire son deuil de toutes les années passées à naviguer, apprendre, se spécialiser... Ca fait des années que je me consacre à mon travail, et j'avais enfin trouvé un poste qui me plaisait, avec de vraies perspectives de carrière... J'espère que je trouverai une orientation professionnelle aussi intéressante.
En attendant, je ne suis toujours pas consolidé. Les médecins ont été surpris de voir combien j'ai réussi à progresser en quelques mois seulement. Je vais même peut-être pouvoir reprendre certaines activités nautiques en loisir d'ici quelques années, même si la compétition, c'est terminé...
Pour ce qui est de la moto, je compte bien retrouver mon guidon un jour. Pareil que pour le nautisme, ces objectifs me permettent de trouver une motivation, de continuer à avancer... Et de surprendre mes médecins... Au début de l'été, leurs espérances étaient que je puisse enfin marcher avec l'aide de mes béquilles, alors le fait de me contenter d'une simple canne dépasse leurs propres espérances.
Encore quelques mois et je pourrai peut-être faire de petites balades avec ma Vara... En attendant, je me consacre à ma rééducation, je vais reprendre une heure de cours de conduite avec ma voiture automatique, et commencer par de petits trajets...
Et pour l'avenir, je ne sais pas encore ce qu'il me réserve, mais je crois bien qu'il sera heureux. Je vais récupérer de plus en plus avec le temps, même s'il faudra de la patience...