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par nightangel » 18 avr. 2006, 09:37
Collègue…
Je sais que tu n’aimes pas ce mot. N’y vois pas un rapprochement corporatiste ou une complicité factice. Moi je l’entends comme un trait d’union.
On ne se connaît pas, collègue, mais on a les mêmes souvenirs, et on se comprendra à mi-mots quand on évoquera ce qu’on sait des coulisses de notre glorieuse engeance.
Quand on se dira ce que personne ne veut croire,
Parce que même les scénaristes n’osent pas, ne savent pas.
Il faut quand même qu’il y ait des gentils ou des circonstances atténuantes dans les histoires…
Rappelle-toi…
Les gonzesses qui ont la tronche comme un compteur à gaz, le nez plaqué sur une pommette par un coup de poing de leur mari, qu’on veut emmener déposer plainte, et qui disent ‘Ah bah non alors! C’est mon mari tout de même!’... Et leurs mômes en pyjama, les yeux cernés, pétrifiés à la porte.
Tous ceux qui n’osent pas, les lâches, traverser un palier et aller calmer leurs voisins eux-mêmes, préférant nous appeler pour se rincer l’œil de nos pourparlers.
Et ceux qui en profitent pour jouer les balances, glisser une petite info médisante, en imaginant qu’on va leur filer la médaille de la Police.
Les bagarres d’ivrognes, où c’est toujours l’autre, bien sûr, qui est bourré, et les dégueulasses qui se pissent dessus de trouille.
Les cartons en voiture, où ils ont tous le même râle quand ils ont le moteur sur les genoux. Voilà de belles images pour les campagnes de prévention routière!
Les cadavres puants, décomposés qu’on ne sait pas par où attraper. Et le fils ou la mère à la porte ‘Mais c’est quoi cette odeur? Une fuite de gaz?’ Comment leur dire que mémé ne sent plus l’eau de rose, ou que papa se balance au bout d’une corde…
Et les témoins d’agression qui oublient de se souvenir ‘J’habite le quartier, vous comprenez… je ne veux pas d’ennuis’…
Les intimités qu’on est obligés de pénétrer en franchissant des portes, qui nous forcent à voir comment les gens vivent, et à se dire qu’il n’y a pas qu’une question de moyens quand les gens et les choses puent à en vomir.
Le sacrifice de l’équilibre des enfants dans toutes ces péripéties de la vie, où l’apparence sociale prime sur toute autre chose.
Jusqu’à nier la maltraitance, nier l’inceste…
On est souvent en première ligne pour que les choses aboutissent, et empêcher que la conspiration du silence perdure. Oh, ça part de peu de choses bien souvent, les Pompiers réclament notre présence, parce qu’un petit qui avait mal au ventre, a en fait mal aux fesses, et effectivement il saigne comme un bœuf. Première pièce de la procédure? Pour le flic, pas le juge. Quitte ou double, ce n’est pas joué d’avance, la Justice est lourde et débordée. Alors les affaires douteuses, les mois d’instruction, et la parole d’un môme qui parfois ne sait pas encore parler… Tout le monde sait que ça existe bien sûr…
Les préjugés ethniques qu’on renverse, et qui étonneraient nombre de français propres sur eux. Tu sais de quoi je parle, collègue, on a bossé tous deux dans des quartiers pourris, et on sait le non-sens des idées préconçues.
Parlons-en, tiens… Les flics sont majoritairement syndiqués à gauche. Si on compare les chiffres, les flics votent nettement moins à l’extrême droite que la moyenne nationale. Mais c’est tellement confortable de nous prêter une image de fachos psychorigides.
Pour conclure : Nous les flics, on voit la société à poil. On la renifle, on la tripote, on la mate, on est payés pour ça. Et on ne s’en plaint pas, on aime ça parce qu’on apprend, parce qu’on a cette CHANCE.
Et on sait une chose, sans jamais se tromper, c’est que même les excités de la tchatche stérile, qui en sont restés au stade quasi anal de guignol se faisant matraquer par le gendarme, quand il leur arrivera quelque chose qui les mettra en face de leurs limites, ils n’appelleront pas leur mère, mais comme tout le monde, ils feront le 17
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le texte est d'un collegue de la PP, je l'ai trouvé tellement réaliste que j'ai pas pu m'en empecher...
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[b]Aspecto - Analytice - Actum[/b]