Son repas est difficilement passé. Un bout pain, un reste de soupe, ... Fred n'a même pas touché à son fromage préféré : un clacos* bien coulant. "Pas faim !"

La porte de la salle de bain s'ouvre sur un silence qui semble anormalement long. L'interrupteur ne lâche pas son "clic"... La porte se referme. Fred n'ira pas se doucher. Pas de jus ce soir. Je le sens inquiet, stressé, ailleurs en tous cas. Il doute... ça ne l'empêche pas d'enfiler son pyjama bleu, celui avec les petits boutons de nacre qu'il se fait ch... à recoudre régulièrement. Puis il retire ledit pyjama. Ouais, se dit-il, faudrait peut-être que je me déshabille avant...

Le pyjama enfin à même la peau, il se glisse sous la couette, positionne son oreiller avec le même rituel que depuis qu'il l'a acheté, il y a 6 mois : le sigle "Honda NC700X" bien horizontal, aucun pli, les plumes bien aérées. Il cherche sa place, ramène son bas de pyjama dans le bas du dos pour ne pas avoir froid, se met de côté, puis revient sur le dos. Tiens, pareil que son chien tout à l'heure... On ne sait lequel a déteint sur l'autre. Laissons l'avantage à l'homme sur l'animal.
Fred éteint la lampe de chevet et ferme les yeux en lâchant un discret petit rot. Ben oui, la soupe ça lui fait toujours ça...
Voilà 30 bonnes minutes qu'il essaie de trouver le sommeil, mais ça ne vient pas ! "Il avait peut-être raison ce [personne peu appréciée] de Lanternier avec ses Lexomyl", pensa-t-il ! Fred se lève et va chercher le tube de tranquillisant dans la pharmacie. Combien il avait dit, déjà ? Ah oui, 2...
De retour au lit, un doute l'assaille : et si c'était vrai ce qu'il lui avait conseillé sur le forum : "Coool, man !! Ce soir, prend 2 Lexomyl en suppo, la photo de ....".
Non, je ne vais quand même pas... :-\
Fred se positionne sur le côté, le pantalon de pyjama à mi drisse, un comprimé de Lexomyl entre le pouce et l'index. Il tourne la tête pour s'assurer que personne ne le voit, pas même le chien... Il reconsidère le minuscule comprimé et la destination qu'il est sensé atteindre. Le doute l'assaille encore : "Non, il déconne Lanternier... Pas en suppo quand même !".

Résigné et inquiet de la nuit qui se profile, le voilà en train d'approcher le minuscule médicament de cette destination si inhabituelle pour lui (le comprimé) et pour lui (le doigt). Il prend une profonde inspiration, suivi d'un grand relâchement et d'une toute aussi profonde .... hum... comment dire.... bon, vous voyez de quoi je veux parler. Comment Hervé ? Pénétration, c'est ça ! Merci Hervé...

Le 2ème comprimé ne tarde pas à rejoindre le 1er, par la même voie. "Y'a intérêt que ça marche", pensa-t-il, "sinon je le pourris sur le forum" !!
Un petit coup de savon et le voilà de retour au lit. Il est néanmoins allé boire un verre d'eau avant de se recoucher. Ce n'est qu'après coup qu'il s'est dit que c'était inutile. Mais les habitudes sont tenaces... Ben oui, un comprimé, ça se prend avec de l'eau, pas en..... suppo !
Le drap de la couette lui cache maintenant la bouche, Fred est bien au chaud. Ses paupières s'alourdissent, le sommeil l'envahit mais les comprimés lui rappellent où ils se trouvent, l'empêchant de plonger sereinement dans les bras de Morphée. Au diable ces satanés comprimés. Heureusement qu'ils n'étaient pas effervescents, pensa-t-il, rassuré.
Le principe actif fait son effet, Fred part, tout doucement.... tout doucement........... tout douc.......ent......ZZzzz....ZZz......... Fred rêve................
....Sale tronche, l'inspecteur ! Pourquoi il me regarde comme ça ??
"Hein, c'est à moi" ? "Voui m'sieur" (ben pourquoi je lui donne du voui m'sieur, comme un gamin ??) ! Fou-la-la... je me sens nerveux. Calme toi Fred.... Inspire... [la vache] de gants, pourquoi je n'arrive pas à les enfiler ce matin ? J'ai les mains moites, le cuir colle et refuse de laisser passer mes doigts. Je tire comme un damné, l'étiquette "CE - Made in China" reste entre mes doigts et le gant tombe à terre. L'inspecteur me regarde, un peu inquiet, comme si ça ne présageait rien de bon pour la suite. ça y est, me voilà ganté et paré.
"Comment m'sieur ? Ah oui, vous avez raison". (J'ai inversé main droite et main gauche...)
"C'est ballot, je..... Oui, je me dépêche m'sieur" (pfff, arrête avec ces "m'sieur", me lançais-je à moi-même). Je sens que je mets à mal la patience du fonctionnaire qui tapote nerveusement son Bic sur son carnet à souche. Tiens, s'il me fait trop ch...., je vais le sortir le mien, de carnet à souche, tu vas voir !
Casqué et enfin ganté, je monte sur la moto de l'AE. L'inspecteur me décrit le parcours que j'aurai à réaliser : "Départ ici................quille.......... attention, là................ passager ............... freinage en 3ème".
Il me regarde, interrogatif et inquiet de me voir si absent. [zut] , je n'ai rien écouté !! Y'a une fille superbe sur l'autre plateau, un canon... fais suer ! Pourquoi je l'ai regardée ?! Je me ressaisis et observe le parcours décrit par le tortionnaire. Euuuh, le fonctionnaire. Je l'ai déjà fait 20 fois ce plateau, pas de problème !
J'engage la 1ère, j'embraye.... La moto ne bouge pas !! La fille me regarde avec un sourire bizarre et pointe son doigt en direction du moteur. Oupssss..... je ne l'ai pas démarré ! Ah ben ça commence bien. L'inspecteur me fait comprendre qu'il passe l'éponge, et la charmante jeune femme qu'elle passe... son chemin. Raté pour ça, pas près d'obtenir un rencard après ! Pas grave...
Démarreur : le moteur prend vie. j'embraye. La moto s'ébranle. Clin d'oeil en direction de la fille.... qui est partie. Sourire à l'inspecteur. ça ne mange pas de pain. Mais je suis bête : il ne me voit pas avec le casque !
Je relève la visière car je manque d'air.
Le 1er virage est déjà là. Je tire la langue comme un gamin qui s'applique à faire de son mieux. Là, je suis content d'avoir mon casque.
Droite... bien Fred..... Gauche.... BIEN FRED.... Ma roue AR frôle le cône. j'ai chaud, je transpire. Je passe mon gant sur le front pour m'éponger. [zut], j'ai mon casque !
Nouveau virage à droite... MOUCHERON DANS L'OEIL ! Au secours ! Je referme la visière. La buée s'installe très vite, accentuée par ma respiration haletante. J'y vois plus rien. Sont passés où les cônes ?? Je réouvre la visière d'une pichenette du doigt. Tiens, la fille est là ! Je me re-concentre... Embrayage / frein AR... je maitrise la bête. La beauté me fixe. En confiance, je stoppe la moto et reste en équilibre parfait, le regard plongé dans le bleu des yeux de la donzelle visiblement impressionnée. D'un geste exagérément lent, j'ajuste ma visière, le col de mon blouson, mon bas de pantalon, moto toujours immobile entre 2 portes, les pieds sur les cale-pieds. Le chrono de l'inspecteur compte les secondes, qui deviennent des minutes. Clin d'oeil à la blonde, je repose mes 2 mains sur le guidon, 1ère, je poursuis mon parcours, confiant, serein...
Je m'arrête là où je dois prendre mon passager en vue de la suite. L'inspecteur appelle la fille du doigt et lui fait signe de monter derrière. Coup de chaud immédiat ! J'ai du mal à déglutir, j'ouvre à nouveau ma visière. De l'air ! Il l'a fait exprès pour me déstabiliser l'enfoiré ! La voilà qui s'approche en me fixant droit dans les yeux. Je bredouille un truc qui aurait pu être "bonjour" ou"..fait beau.." ou "scrogneu-gneu". En fait, je ne sais même pas ce que je lui ai dit ! Elle déplie les cale-pieds, enjambe la selle et s'assied juste derrière moi... Les suspensions s'affaissent, juste ce qu'il faut. Je dirais 65 kg à vue de suspension... Son casque heurte un peu le mien. Elle pose les talons de ses bottes sur les cale-pieds, se colle à moi... Une goutte perle sur mon front, descend jusqu'au bout de mon nez. ça chatouille, flute, pas besoin de ça maintenant ! J'ai chaud.... Elle pose ses mains sur mes hanches. Je déglutis. "Vous n'êtes pas sécurisée mademoiselle !" lance l'inspecteur. Elle enserre alors ma taille de ses bras. Je l'aime, l'inspecteur, tout d'un coup...
Je sens sa poitrine dans mon dos malgré l'épaisseur de nos cuirs. Je dirais "95 C".... Ne pas se déconcentrer, surtout ! Il fait chaud...
J'embraye pour la suite du parcours avec passager. Ses bras se resserrent encore. Là, difficile d'être plus sécurisée ! Elle et moi ne faisons qu'un. Les virages s'enchainent sans problème. Je suis bien. J'oublie les difficultés, les heures passées à me faire engueuler par le moniteur, les 1200 € du forfait, le stress d'hier soir, les [la vache] de comprimés de Lanternier ! Le lent se termine. Je stoppe ma Yam', en douceur. Son étreinte se dessert. Elle laisse glisser le cuir de ses gants sur mon ventre, ma taille. Trop épais ces [la vache] de cuirs ! Elle prend appui sur mes cuisses pour s'extraire de la selle. Les amorto couinent, comme s'ils pleuraient le départ de cette si belle passagère. Moi, je rebaragouine un truc incompréhensible. Elle m'envoie un "à tout à l'heure ?". Je souris, déglutis, .... déglutis à nouveau, passe la 1ère et câle ! C'est mieux en débrayant. Quel c... Je recommence. L'inspecteur avait les yeux baissés sur son carnet. Avec un peu de chance il n'aura rien vu, rien entendu. Je termine mon parcours, tiraillé entre l'envie de bien faire, à vitesse lente, et la [la vache] de méga super envie de retrouver ma passagère dans les locaux du centre des examens. Dernier virage, l'arrivée. Je coupe le moteur et pose la moto sur sa latérale.
L'inspecteur s'approche et embraye sur la fiche "le motard et sa passagère". Il se fiche de moi ou quoi ?? Deux questions et deux réponses vites torchées, je le remercie et fonce à l'intérieur. Mon moniteur m'envoi un clin d'oeil avec le pouce levé. C'est de bonne augure mais là, j'ai une urgence... Arrivé dans le grand hall, une bonne cinquantaine de personnes boivent le café, refont leur parcours avec force gestes et explications. Je balaie le grand volume du regard, désespéré de ne pas la trouver. La voilà ! Je me recoiffe d'une main, glisse mon casque sous le bras et m'approche d'elle. Elle est belle, très belle ! Sa longue chevelure couvre ses épaules et le haut de son cuir. Je suis juste en face d'elle. Un long silence s'ensuit..... Elle prend mon menton de sa main droite, m'approche de ses lèvres et les poses délicatement sur ma bouche. Je sens la moiteur de sa ... Mais, elle sent bizarre ! Elle refoule grave du goulot ! .....
.....Réveil en sursaut ! Ce [personne peu appréciée] de chien est en train de laper Fred dans son lit, à grands coups de langue ! "Fluuute... Dégoutant !" lâcha-t-il.
Amusé de ce rêve, le futur motard repousse le chien avec le sourire. Il rejoint sa panière et son maître ses rêves : la NC700X.......................
*camembert
The End
Et ne t'inquiète pas pour jeudi matin, Fred. ça se passera beaucoup mieux que ça !!
